Le Roi Mort Deux Fois : Règne by Nate Crowley

Auteur:Nate Crowley
La langue: fra
Format: epub, mobi
Publié: 2022-05-23T12:32:04+00:00

Chapitre Quatorze

L’ARGUMENT FINAL DES ROIS

Le départ de l’Akrops de Carnotite n’aurait pas pu être plus différent de son arrivée. Alors que le trébuchet gravitationnel l’avait projeté à destination, littéralement, comme une munition de siège, le grand vaisseau entra dans le vent fantôme sans même un soupçon de dissipation d’énergie.

Même la disparition graduelle des ténèbres rougeoyantes de Carnotite eut lieu de manière si subtile que les appareillages optiques supervigilants d’Oltyx manquèrent complètement le changement. Finalement, il ne sut que leur translocalisation avait eu lieu que quelques secondes après qu’elle se fut terminée, quand il remarqua à quel point le vide était devenu silencieux.

Il n’y avait plus d’étoiles visibles derrière les hublots de la passerelle, mais ce n’était qu’une partie de la sensation de néant. Pour les sens nécrons, l’espace était un lieu bruyant, grondant du baryton sourd des puits de gravité, tremblant sous les turbulences quantiques. Même dans ses confins les plus déserts, il était traversé, par intermittence, du hurlement des radiations d’étoiles lointaines. Ici, toutefois, il n’y avait rien. À en croire les thermorécepteurs externes, la température hors de la coque flirtait de si près avec le zéro absolu que le peu de chaleur détecté pouvait aussi bien être une erreur de mesure – ce qui en disait long étant donné la précision de l’instrumentation nécron. S’il y avait un seul atome à découvrir dans ce noir sans fin, il n’aurait même pas l’énergie nécessaire pour garder ses électrons liés à son noyau. Mais il n’y avait pas d’atomes. Il n’y avait aucune matière.

Les ténèbres rendues visibles, pensa Oltyx en se souvenant de la phrase tirée d’un des ouvrages du monde natal que Mentep citait à l’envi. Comme la carapace d’Am-Heht, se rendait-il compte maintenant, alors que ses systèmes d’identification récupéraient ce qu’ils pouvaient des images, détériorées par les refrénations, des instants où il avait posé franchement les oculaires sur le sorcier. Malgré la complexité incompréhensible de la science grâce à laquelle Mentep avait réussi à percer une brèche vers ce lieu, celui-ci était d’une brutale simplicité. Si désert, si abjectement vide, qu’Oltyx en venait même à se dire qu’il comprenait pourquoi Am-Heht avait ricané en l’appelant un endroit. C’était nulle part dans son sens le plus strict ; pas seulement le néant qui existait dans les failles entre les dimensions, mais celui qui régnait dans les failles entre les failles. Et puisque c’était nulle part, peut-être était-ce également n’importe où, décida Oltyx.

Mais le roi d’Ithakas n’avait rien d’un philosophe et ne voyait aucun intérêt à conjecturer. La seule chose dont il était sûr, et ce pour toutes les raisons pour lesquelles son peuple avait toujours détesté la mer et l’espace par extension, c’était qu’il méprisait le vent fantôme. Les Nécrontyrs avaient été un peuple de la terre et du soleil, et leurs immortels successeurs étaient des êtres dont le noyau était littéralement constitué de la matière des étoiles. Cet endroit était l’anathème de tout ce qu’ils avaient toujours représenté.

Oltyx le voyait dans la manière dont des groupes de nobles sans vaisseaux se rapprochaient de plus en plus les uns les autres sur la passerelle.

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